• Méditation du dimanche 9 août 2020

    Mt.15/21-28  La Cananéenne

     

    « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » … Alors nous qui ne sommes pas juifs - comme cette Cananéenne - aurons-nous part au Salut qu’il propose ? Le problème, c’est que le Salut qu’il propose aux Juifs n’est pas reçu par ceux qui étaient préparés pour cela, depuis Abraham, depuis Moïse, du moins la classe dirigeante. Regardez l’épisode du Centurion (Mt.8/5s), que dit le Seigneur de ce Romain en mission sur la terre de Palestine : « Jamais en Israël ne j’ai trouvé une telle foi » Et il guérit son serviteur. Que dit cette Cananéenne : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Elle confesse Jésus comme Messie, promis à David, donné à Israël. Et le Seigneur va guérir sa fille.

     

    Il est venu dans cette région de Tyr et de Sidon pour y faire retraite, désirant, nous dit l’Evangile de Marc, y rester incognito. Il vient d’avoir des controverses avec les scribes et les pharisiens (Mt.7/24s), et il en est fatigué… Il aspire au calme. C’est un peu une fuite ce séjour en ce lieu… En un mot, il en a « assez ». Assez de prêcher dans le vide, assez de subir l’humiliation, l’outrage, le refus… Une constatation s’impose, amère, à son esprit : « Ils ne veulent pas de mon Salut ! » Oui un certain découragement le guette.

     

    Et voici, alors qu’il se croyait à l’abri, loin des gens, loin des langues, qu’une voix fine s’élève, celle d’une femme. Non pas celle de sa mère qui pourrait lui apporter tout le réconfort dont il a besoin, mais celle d’une étrangère : « Fils de David ! Fils de David !... » Ces mots résonnent en lui comme une promesse, comme l’annonce d’une victoire. Un jour on le reconnaîtra pour ce qu’il est vraiment, l’envoyé du Père.

     

    Mais elle vient cette voix du monde extérieur, des nations païennes. Bien sûr qu’il a envie d’y répondre, de se donner à tous ceux qui l’appellent, qui le sollicitent… mais que deviendrait Israël ? La tentation pour lui est grande de « passer la frontière », mais là n’est pas la mission que le Père lui a confiée : c’est à ses frères de race qu’il doit d’abord apporter le Salut ; les nations suivront naturellement plus tard.

     

    Ce fut souvenez-vous le drame de saint Paul : « Dois-je porter le Salut aux nations alors qu’Israël ne l’a pas reçu ? » Et dans cette angoisse, il reviendra à Jérusalem, quittant, à jamais hélas, ses missions étrangères… « J’éprouve, disait-il, une grande tristesse, un chagrin immense ; je préfèrerai être coupé du Christ au nom de mes frères, ceux de ma race selon la chair ! » (Rom.9/2-3).

     

    Alors, Jésus se raidit. Il ne doit pas céder à l’appel du large. Il « ferme ses écoutilles » et clôt ses lèvres. « Crie toujours, je n’entends pas ! » Mais elle insiste… « Maître, renvoie-la, elle nous poursuit de ses cris ! » Rien à faire : la voici aux pieds du Seigneur, elle a franchi tous les obstacles pour satisfaire sa demande ; alors Jésus se fait cinglant : « Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le donner aux petits chiens », phrase précédée dans St Marc par celle-ci : « Laisse d’abord les enfants se rassasier ». (Mc.7/27) Il ne dit pas non, il ne dit pas oui. Et surtout il ne veut pas se laisser séduire ! C’est contre lui - plus que contre elle - qu’il se rebiffe. Exactement comme lorsqu’il traite Pierre de « Satan », qui cherche à le détourner de sa mission (Mt.16/23), car se cache derrière la proposition de Pierre – « Le martyre ? cela ne t’arrivera pas ! » -  la tentation de l’Adversaire.  Et comme il ne veut pas dire oui à cette femme, il emploie, pour la repousser, ce mot rebutant de « petits chiens ». Va-t-elle enfin s’enfuir ?...  Est-ce là une insulte ? Dans la bouche du Christ ce serait étonnant… s’il est raide parfois envers ses adversaires, il n’est jamais méprisant. Alors ?... C’est vrai qu’elle les suivait comme un petit chien qui jappe infatigable après la cohorte qui passe.

     

    Mais il y a plus que cela. Jésus distingue parfaitement les enfants d’Israël des nations. Comme St Paul le dit dans le passage que nous citions ci-dessus : « Ils ont, eux, la filiation, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses ; chez eux les pères, par eux le Christ : son humanité, lui qui est Dieu au-dessus de tout, béni dans les siècles… » (Rom.9/4-5) Dans le Christ ils sont déjà rattachés au Père, agrégés à la filiation divine, ce qui n’est pas le cas des nations. Elles sont encore soumises aux « éléments du monde », à cet « homme psychique » comme dit St Paul qui les rend tout proches aux animaux.

     

    Bien loin de s’offusquer, notre Cananéenne accepte le verdict sévère. Elle reconnaît humblement qu’elle ne mérite rien, qu’elle n’est pas digne du Salut, face à ce « fils de David », face à Israël, la terre des Pères et des Prophètes, le lieu des alliances et des gloires, le cœur de la filiation divine. Soit, elle n’est qu’un « petit chien », mais… elle guette les miettes.

     

    « Oh ! Femme, que ta foi est grande ! » Elle est dans l’attitude exacte cette étrangère, et elle croit en cet homme qui peut sauver sa fille. Oui « le Salut vient des Juifs » (Jn.4/22), elle le confesse ; du coup, elle obtient ce qu’elle demande.

     

    Puisse Israël comprendre ! et prendre exemple !

    Sans le savoir, elle a consolé le Seigneur, cette dame…

    Merci madame !

    Marie-Pierre

     

     





  • Méditation du dimanche 9 août

    Mt.14/22-33  - Jésus marche sur l’eau

     

    On raconte que saint François de Paule voulant administrer un mourant en Sicile, ne trouva pas de bateau pour traverser le détroit de Messine alors en proie à une violente tempête. Il jeta son manteau sur les flots et debout sur ce vaisseau de fortune, parcourut ce bras de mer sans dommage. Merveilleuse audace !

     

    « Homme de peu de foi ! » Elle nous atteint au cœur cette parole adressée à Pierre en ce jour. Une foi à « transporter les montagnes » : l’avons-nous ? Certes, il ne s’agit pas de jouer au thaumaturge avec les éléments – les magiciens d’Egypte le faisaient tout autant, et nos magiciens actuels pareillement. Il s’agit ici de la Foi, plus certaine pour celui qui la partage que la réalité des choses qui l’entourent. Dès lors celles-ci s’effacent telle une ombre en présence de la Lumière. Et le prodige opère. Regardez Pierre : « Seigneur, si c’est toi, ordonne que je vienne à toi en marchant sur les eaux ! » - « Viens ! »  Et il va. Et il tient ! Pourquoi ? Parce que sa foi en Jésus le porte, et non pas l’eau qui en est bien incapable. Bel exemple. Ce n’est que lorsqu’il détourne les yeux du Christ pour les plonger dans les flots déchaînés qu’il sombre avec eux. Pas avant.

     

    Elle doit aller jusque là notre foi, notre certitude de la Victoire en Jésus notre Dieu. Tous les obstacles, nous pouvons les vaincre par la foi en son Nom, y compris les plus redoutables. Voyez les Apôtres, au « nom de Jésus », ils guérissaient les malades, ils ressuscitaient les morts ! Ce qui les portait : une Foi absolue dans le Christ : le fils de Dieu. C’est d’ailleurs ce qu’ils disent à la fin de cet épisode, une fois la mer apaisée : « Vraiment, tu es le fils de Dieu ! » Cet homme qui marche sur l’eau, qui multiplie les pains, vient d’en Haut, à n’en pas douter, il est l’envoyé du Père. Comme ne pas mettre en lui toute notre confiance ?

     

    J’aime beaucoup cette définition de la foi selon Thomas d’Aquin : « La Foi est l’adhésion de l’intelligence à la Vérité révélée ». Elle est une lumière – non une marche à tâtons – sur Dieu et sur Jésus-Christ, sur leur projet commun pour nous. Le croyant sait en qui et en quoi il croit, ce qui lui donne une assurance sans faille. Jamais François de Paule n’aurait traversé le Détroit de Messine sans cette certitude intérieure qui le portait au chevet d’une âme. Il y eut même dans l’Eglise des phénomènes de bilocation toujours dans le but de porter la foi et le salut – tel Padre Pio, St Antoine de Padoue… – qui montre à quel point l’esprit éclairé peut s’affranchir de la matière…

     

    « La Vérité révélée » : elle l’est entièrement en Jésus-Christ, fils de l’homme et fils de Dieu. « M’est avis que c’est tout un » dirait Jeanne d’Arc. Un homme fils de Dieu, un homme né d’En Haut : voilà la grande révélation du Christianisme - que les religions païennes devinaient et qu’elles imageaient dans leurs mythes. Voilà Jésus, l’homme véritable auquel, nous fils d’Adam, sommes appelés à ressembler. Promotion grandiose ! « Recherchez les choses d’en Haut », nous exhorte saint Paul (Col.3/2), celles qui mêlent le ciel à la terre et qui, de ce fait, nous affranchit de la condition pécheresse. « En Jésus-Christ nous sommes plus que vainqueurs » (Rom.8/37). Les saints connaissent des moments d’extase et même de lévitation, tel St François d’Assise, St Ignace de Loyola… ils sont dans l’ordre de l’Esprit tout en restant bien incarnés.

     

    « Le vent était contraire ». Pauvre barque de saint Pierre agité de tous temps par des vents contraires ! Il porte avec lui les clés du Royaume de Dieu, les clés qui ouvrent sur l’autre rive où la mort n’est plus, où la bénédiction succède à la malédiction (Gen.3) Comme l’atteindre cette rive alors que les vagues de la contestation, de l’opposition, de la vindicte s’écrasent sans pitié sur la coque fragile. Mais celle-ci résiste… Jusqu’à ce que Jésus paraisse, tel un « fantôme » à la « 4ème veille de la nuit ». Comment ne pas penser, à la vue de cette « vidéo », à son retour glorieux, à la fin du temps des nations ? Elle aura veillé, l’Eglise, elle aura souffert, elle aura persévéré… alors le Christ lui-même achèvera son œuvre. Et si, épuisée, sur le point de sombrer, elle crie encore, à l’exemple de Pierre : « Seigneur, sauve-moi ! » il sera là pour lui tendre une main secourable.

     

    Oui, une de répétition générale cette scène de l’Evangile…

     

    …Avant qu’elle advienne aux dimensions planétaires, à la fin de l’histoire des fils d’Adam.

    Alors les fils de Dieu resplendiront dans le Royaume de leur Père.

    Marie-Pierre