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    L’acte de foi dans Porta fidei

     

    Au début de sa lettre d’indiction pour l’année de la foi, Porta fidei (PF), Benoît XVI affirme : « Professer la foi dans la Trinité – Père, Fils et Saint-Esprit – équivaut à croire en un seul Dieu qui est Amour (cf. 1 Jn 4, 8) : le Père, qui dans la plénitude des temps a envoyé son Fils pour notre salut ; Jésus-Christ, qui dans le mystère de sa mort et de sa résurrection a racheté le monde ; le Saint-Esprit, qui conduit l’Église à travers les siècles dans l’attente du retour glorieux du Seigneur.» Voilà pour l’objet de la foi ! C’est le contenu de l’annonce ramenée à son origine trinitaire – la Trinité économique – « économique » au sens théologique, car contemplée dans le dessein d’amour bienveillant pour sa créature bien-aimée, l’humanité pécheresse, à quoi s’ajoute la référence à la première évangélisation de saint Paul en Asie mineure, d’Antioche de Pisidie vers l’Est jusqu’à Derbé en passant par Iconium, tous lieux actuellement situés au Sud-Est de la Turquie.

    Nous allons dans un premier temps poursuivre cette introduction à la lettre Porta fidei. Puis nous introduirons une méditation sur la Trinité économique en développant trois thèmes relatifs à chacune des personnes divines : le Père est-il tout puissant ? Qui est le Fils de l’homme ? Que signifie le Saint-Esprit, Paraclet pour nous ? Mais, avant ce développement trinitaire, approfondissons donc le contexte, la situation sur laquelle Benoît XVI prend appui pour aider l’Église à avancer et les hommes à passer ensemble par la porte de la foi !

    Le contexte fécond ne peut être qu’issu de la Bible. Au terme de son premier voyage avec Barnabé, les nouveaux apôtres exposent aux premiers chrétiens d’Antioche sur l’Oronte, ce qui sera la future patriarchie d’Orient (cf. Justinien, Novelle 109, 7 mai 541), que Dieu a ouvert aux païens la « porte de la foi ». Émerveillés, ils racontent leur exploit tel que le Saint-Esprit l’a réalisé à travers eux. « À leur arrivée, ils réunirent l’Église et se mirent à rapporter tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi » (Ac 14, 27). Il y a comme la fraîcheur des premiers temps qui semble désirer renaître sous la plume du successeur de Pierre. Tous les hommes, même les plus rétifs au Message de Salut, sont à évangéliser !

    Le Saint-Père Benoît XVI accentue cet appel, car il a un désir de reprise radicale sentant le péril de la déchristianisation : que le sel de la terre ne vienne pas à s’affadir (cf. Mt 5, 13-15). Il s’agit donc de « sentir de nouveau », de « retrouver le goût » (PF, n°3) selon les expressions papales. Il propose d’emblée comme un instrument pour accompagner spirituellement cet effort le Catéchisme de l’Église catholique (CEC), « fruit authentique » du concile (PF, n°4), norme officielle pour tous les catéchismes du monde entier, et même en France. Cette référence viendra éclairer nos propos (cf. PF, nos12-13).

    Déjà en 1967, avait été célébrée une année semblable, année de la foi qui s’était achevée par la proclamation du grand credo de Paul VI, dit Profession de foi du Peuple de Dieu, à laquelle se réfère maintenant Benoît XVI, texte capital notamment à propos de l’eucharistie comme jamais avant dans les symboles de foi. Il faut dire que depuis saint Irénée de Lyon († vers 102) l’Église considère que la théologie doit prendre comme modèle sa propre réflexion sur le don et l’institution de l’eucharistie : « Notre doctrine est en accord avec l’eucharistie et l’eucharistie la confirme » (AH, IV, 18, 5). Celle-ci n’est-elle pas appelée avec raison mysterium fidei, mystère de la foi ? Léon XIII en fit le nom propre de l’eucharistie et le même pape Paul VI proposa une exhortation apostolique qui prend ce nom. Il rajouta même, après la consécration, la proclamation sacerdotale mysterium fidei lors de la rédaction des nouveaux textes des quatre prières eucharistiques nouvellement mises en fonction après Vatican II, à charge bien sûr pour le prêtre de lancer l’exclamation publiquement devant les fidèles.

     

    « Nous croyons que la messe célébrée par le prêtre représentant la personne du Christ en vertu du pouvoir reçu par le sacrement de l’ordre, et offerte par lui au nom du Christ et des membres de son Corps mystique, est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels. Nous croyons que, comme le pain et le vin consacrés par le Seigneur à la Sainte Cène ont été changés en son Corps et son Sang qui allaient être offerts pour nous sur la croix, de même le pain et le vin consacrés par le prêtre sont changés au corps et au sang du Christ glorieux siégeant au ciel, et Nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d’apparaître à nos sens de la même façon qu’auparavant, est une présence vraie, réelle et substantielle (cf. Dz.-Sch., n°1651).

    Le Christ ne peut être ainsi présent en ce sacrement autrement que par le changement en son corps de la réalité elle-même du pain et par le changement en son sang de la réalité elle-même du vin, seules demeurant inchangées les propriétés du pain et du vin que nos sens perçoivent. Ce changement mystérieux, l’Église l’appelle d’une manière très appropriée transsubstantiation. Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d’exister après la consécration, en sorte que c’est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui dès lors sont réellement devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin[1], comme le Seigneur l’a voulu, pour se donner à nous en nourriture et pour nous associer à l’unité de son Corps mystique[2].

     L’unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n’est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée. Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises. Et c’est pour nous un devoir très doux d’honorer et d’adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel, s’est rendu présent devant nous[3]

     

    Et de fait, au cœur de sa lettre Porta fidei, Benoît XVI exhorte, outre son souci primordial de vivifier l’évangélisation, à ce que cette année de la foi soit « aussi une occasion propice pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans l’Eucharistie, qui est “ le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa force ” (SC, n°10) » (PF, n°9).

    Pour ce faire, le concile Vatican II nécessite une lecture juste selon le principe de l’herméneutique de continuité (cf. PF, n°5, note 10), c’est-à-dire que les enseignements du dernier concile œcuménique ne rompent jamais avec les dogmes proclamés antérieurement. Le dogme est une vérité de foi, une explicitation de ce qui s’avère déjà possédé par la foi, telle la fleur qui se développe à partir du bourgeon. Le dogme n’est pas un mur ou un obstacle contre lequel on butte, mais un moyen de pénétration plus profonde dans ce qu’on tient déjà par la foi reçue à travers la prédication de l’Évangile (cf. Rm 10, 14-15)[4].

    Or, l’Évangile consiste essentiellement dans le fait que le Christ, le Verbe de Dieu, s’est incarné pour nous sauver et qu’il est venu expier les péchés du peuple (cf. He 2, 17) et l’entraîner dans sa propre gloire par sa Résurrection d’entre les morts. Cela se manifeste concrètement pour nous dans le don du baptême et le maintien de la pureté de celui-ci en nous[5]. La croissance de la grâce obtenue par le sacrifice eucharistique exige, pour celui qui en vit vraiment, la foi eucharistique et toute la foi. Le fidèle ne peut communier qu’avec foi, et la foi intégrale. Il ne peut pas communier sans les dispositions requises par la sainteté du sacrement[6].

    Un animal qui par erreur consommerait une hostie ne communie pas, il fait simplement disparaître le corps du Christ, et avec l’hostie digérée la présence de Dieu. Un infidèle qui subtilise une hostie consacrée et la mange, ne communie pas, et même si cet acte intrinsèquement coupable pourrait être quelque peu diminué en sa culpabilité par un vague sentimentalisme chrétien, cette personne commet un sacrilège. La sainteté du Saint-Sacrement est telle qu’on ne peut communier qu’avec la préparation intérieure et extérieure nécessaire, jeûner au moins une heure avant la communion, se confesser si l’on a commis un acte intrinsèquement mauvais sur une matière grave, et quoi qu’il en soit, au nom de l’obéissance à l’Église, accomplir le devoir de se confesser au moins un fois par an.

    Seule la foi permet de vraiment communier. Car « celui qui croit au Christ le touche »[7]. Dire amen avant la communion exprime cette foi puisque amen vient de l’hébreu émouna qui signifie « certitude », solidité de sorte qu’amen peut être traduit par c’est certain. Voilà pourquoi on demande dans l’Église latine l’âge de raison pour pouvoir poser un vrai acte minimum de foi. Le pape rappelle que, selon l’attestation de saint Augustin (De utilitate credendi, 1, 2), « les croyants “ se fortifient en croyant ”» (PF, n°7). La foi doit s’exercer pour atteindre l’objet de la foi : la Vérité révélée en raison de l’Amour qui se donne. Cela s’effectue tout à notre bénéfice car « il n’y a pas d’autre possibilité pour posséder une certitude sur sa propre vie sinon de s’abandonner, dans un crescendo continu, entre les mains d’un amour qui s’expérimente toujours plus grand » (Ibidem).

    La ligne pour atteindre cette croissance, le Vicaire du Christ l’indique dans Porta fidei en déclarant : « je voudrais, à ce point, esquisser un parcours qui aide à comprendre de façon plus profonde non seulement les contenus de la foi, mais avec ceux-ci aussi l’acte par lequel nous décidons de nous en remettre totalement à Dieu, en pleine liberté. En effet, il existe une unité profonde entre l’acte par lequel on croit et les contenus auxquels nous donnons notre assentiment » (PF, n°10) (nous soulignons). Notre vie spirituelle ne se maintient qu’à cette condition. Le Catéchisme de l’Église catholique avait déjà noté cette structure connexe entre dogmes et vie spirituelle :

     

    « Il existe un lien organique entre notre vie spirituelle et les dogmes. Les dogmes sont des lumières sur le chemin de notre foi, ils l’éclairent et le rendent sûr. Inversement, si notre vie est droite, notre intelligence et notre cœur seront ouverts pour accueillir la lumière des dogmes de la foi (cf. Jn 8, 31-32)» (CEC, n°89).

     

    Ce texte s’avère capital pour notre croissance spirituelle. Il nous faut donc réfléchir à la richesse très complète de l’acte humain, acte de foi, qui relève de trois effets concomitants. C’est en même temps la grâce qui meut notre volonté et notre intelligence à adhérer au contenu que Dieu, avec autorité, a révélé sur lui-même et sur les vrais moyens de salut.

    Comprenons au préalable que la foi du croyant ne s’arrête pas à ce qui est professé, mais à la réalité même[8]. Il n’est pas un exercice de récitation orale, encore que la mémorisation du credo s’avère indispensable pour ruminer en notre for interne chaque article de la foi. Cette pluralité des articles ne signifie pas une foi à étage, comme un gratte-ciel qui irait dans les cieux et dont on pourrait habiter seulement le rez-de-chaussée à moindre frais (cf. He 11, 6)[9]. Non la foi est une et indivisible : « Si la foi n’est pas une, elle n’est pas » (Léon Ier)[10]. De même, le premier grand théologien de l’histoire de l’Église l’exprime très bien : « La foi étant une et identique, ni celui qui peut en disserter longuement n’a plus, ni celui qui n’en parle que peu n’a moins » (Irénée, Ad Hæreses, I, 10, 3). Cette unité de la foi est donnée d’un coup, sans contrainte, mais s’introduit par une douce adhésion de l’âme soudainement comblée. La foi ne peut donc pas être ramenée à un simple énoncé, de sorte qu’elle demeure mystérieusement vivante en nous[11]. Le « sens de la foi » ou sensus fidei reçu personnellement dès le baptême, duquel naît collectivement le sensus fidelium, le sens des fidèles)[12], manifeste dans la vie intérieure de chaque fidèle, puis en communauté, une capacité surnaturelle à discerner le vrai du faux[13].

    La foi ne peut pas s’imposer par la contrainte puisqu’elle est un don très désirable. L’avènement de la grâce en nous, ce qui se produit dans le secret, demeure invisible aux yeux extérieurs et se réalise au profond du cœur. La grâce touche mystérieusement le cœur de l’homme et donne ainsi à l’esprit humain « la douceur de consentir et de croire à la vérité[14]» divinement révélée. La foi est donc d’abord une grâce offerte, ensuite une adhésion personnelle, Bossuet disait que c’était une « adhérence de cœur à la vérité éternelle » (Sermon sur la charité). En raison de son unité, la foi est simultanément « adhésion personnelle » à Dieu et « assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélée » (CEC, n°150). C’est pourquoi il ne faut jamais opposer l’acte de foi que nous réalisons vis-à-vis de Dieu, vis-à-vis de la personne de Jésus, ou du Saint-Esprit, avec celui qui fut appris au catéchisme de notre enfance : « Je crois fermement à toutes les vérités que vous nous avez révélées et que vous enseignez par votre Église, parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper.»

    Le concile Vatican I déclare avec grande précision intellectuelle que « croire est un acte de l’intelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce[15]». Il faut donc comme trois acteurs dont le principal s’avère la grâce qui agit en premier. Dieu se donne à croire. Puis c’est au tour de l’intelligence de « voir » ce qui est révélé, car « la foi cherche à comprendre[16]». Enfin, il revient à la volonté d’adhérer à ce que l’intelligence a su recevoir comme un cadeau de vérité. Ce « voir » n’est pas une évidence qui tombe sous le sens mais une vraie certitude qui se rend présent fermement à notre conscience « en appétit » de ce qui est vrai. L’épître aux Hébreux note que Moïse avait la foi et qu’il avançait « comme s’il voyait l’invisible » (He 11, 27).

    Le même Auteur sacré énumère au même endroit les grands maîtres de la foi de la première alliance, tel Abraham : « Par la foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait » (He 11, 8). Il y a dans ces expressions « ne sachant où il allait », « comme s’il voyait l’Invisible », la manière dont la foi est donnée : une réalité, si belle, si mystérieuse, si transcendante, dont le bénéficiaire doit prendre soin, mais qui se donne dans l’obscurité ce qui ne signifie pas des ténèbres. Cette aspect très obscur de la foi n’empêche pas qu’elle soit saisie avec grande force, et qu’elle se maintienne en nous comme une certitude si vigoureuse qu’elle apparaît pour les plus zélés comme quelque chose pour qui le croyant donnerait sa vie.

    Si saint Paul parle d’« obéissance de la foi » (Rm 1, 5 ; 16, 26), c’est que Dieu nous demande d’agir par la foi. La foi nous entraîne à choisir d’aimer Dieu et notre prochain, outre le fait que la foi est mue par la charité qui la dilate aux besoins du monde. La foi opère donc aussi par la charité (cf. Ga 5, 6). Et celle-ci nous presse à saisir l’enjeu de la vie éternelle et agir selon la volonté de Dieu : « Caritas Christi urget nos (la charité du Christ nous pousse)» (2 Co 5, 14). C’est d’abord une affaire de mort et de résurrection (cf. 2 Co 5, 14-15), après vient le temps du partage et de l’amour qui se livre : « Par la charité mettez-vous au service les uns des autres » (Ga 5, 13).

    Hélas, l’homme peut aussi pécher contre la foi : par le doute volontaire, ou en cultivant volontairement un doute à la base simplement involontaire (cf. CEC, n°2088), et surtout on pêche par l’incrédulité au sens d’une infidélité volontaire qui se diversifie en hérésie – l’erreur obstinée, schisme – la coupure avec la hiérarchie, l’apostasie : par exemple, se faire désincrire volontairement d’un registre de baptême[17].

    Le même Auteur nous révèle aussi les conditions pour recevoir la foi : on l’acquiert sans calcul, ni réserve, mais dans l’appel à un vrai don de soi à Dieu qui se donne à nous car « la foi fait voir ce qu’on croit[18]» ce qui permet déjà au fidèle de s’unir à Dieu même qui se révèle.

    « Approchons-nous avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi, les coeurs nettoyés de toutes les souillures d’une conscience mauvaise et le corps lavé d’une eau pure » (He 11, 22). Si la « foi purifie le cœur » (Ac 15, 9), elle « produit [aussi] la crainte » (Jc 2, 19), crainte filiale de déplaire à Dieu par nos offenses.

    Quant à la foi, l’Auteur sacré déclare que, si elle est nécessaire pour plaire à Dieu, elle est avant tout « la substance-garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas » (He 11, 1). Elle est donc en nous les prémices de la vie éternelle et réside en nous par un mode permanent en nous, si nous entretenons ce don ! Sainte Thérèse de Lisieux, docteur de l’Église, disait vers la fin de sa vie alors qu’elle passait par une nuit particulièrement ardue de la foi : « Je crois parce que je veux croire, je crois ce que je veux croire.» Dans sa nuit profonde, elle continue envers et contre tout à agir dans la charité éclairée par la lumière de l’Église. Sans une foi solidement développée en elle, elle n’aurait sans doute pu tenir.

    La foi, en d’autres termes, tout comme l’espérance et la charité (cf. 1Co 13), est une vertu théologale, c’est-à-dire un don stable de Dieu, sans cesse actualisé par Lui en nous, donné en vue de notre vie surnaturelle, c’est-à-dire la grâce, ce que donne déjà le baptême. Par la foi, le croyant « s’en remet tout entier librement à Dieu » (Dei Verbum, 5 ; CEC, n°1814). Et désormais dans cette grande liberté intérieure que provoque la foi le « juste vivra de foi », dit l’Écriture (Rm 1, 17).

    Saint Ambroise déclare : « Ubi fides, ibi libertas (là où il y a la foi, il y a la liberté)» (Épître 9, 65, 5). Il y a, selon un paradigme de l’antiquité latine, un mariage entre la foi et la liberté : ubi, ibi. C’est le mariage entre notre liberté et le don que Dieu nous fait au moyen de la foi laquelle est « une compagne de vie qui permet de percevoir avec un regard toujours nouveau les merveilles que Dieu réalise pour nous » (PF, n°15).

    En songeant que nous nous devons « aux savants comme aux ignorants » (Rm 1, 14), prolongeons encore notre méditation sur la foi. Le compagnon ou la compagne, c’est celui ou celle avec qui se trouve partagé, rompu, le pain quotidien ; ce qui implique un itinéraire et des étapes de condivision, diakonia, kerygma, liturgia: on commence par imiter les témoins qu’on veut imiter par admiration, tels nos parents qui nous apprennent le service familial (diakonia), puis, grâce à ce service, on témoigne à notre tour (kerygma-martyria) de ce qu’on a reçu pour pouvoir un jour le transmettre (profession de foi), enfin, on prend conscience que tout remonte à Dieu et vient de Lui dans la prière ou la liturgie (leiturgia). Ce rythme ternaire, diakonia, martyria, liturgia[19], constitue notre vie quotidienne normale du chrétien : donner, se donner, être pardonné et pardonner à notre tour. Il est parfois poussé à l’extrême : l’ekstasis (extase) pour le don réalisé sans rien retenir, telle l’épectase de saint Paul[20]; la kenosis (exinanition) quand il faut se donner jusqu’au bout et témoigner dans la difficulté et les grandes luttes ; enfin la theosis (divinisation) si advient le temps de l’action de grâce réalisée tout en Dieu de sorte que la trilogie des commençants diakonia, kerygma, liturgia se poursuit par celle des plus accomplis : ekstasis, kenosis, theosis[21]. 

    Si la foi nous accompagne, pour tous, savants et ignorants, quel que soit notre « degré de foi » (Rm 12, 3), elle devient vite une compagne fidèle malgré les difficultés de la vie, malgré nos infidélités qu’on espère chacune le plus passagère possible.

    En outre, ce don perfectionne notre liberté, dans le fait de pouvoir plus facilement consentir au Bien, à la Vérité. Ce mystérieux travail de la grâce en nous, un « admirabile commercium (admirable échange)», produit au terme le mariage entre Dieu et l’âme croyante. La foi fait de nos âmes d’abord une desponsata « une fiancée », puis une mariée, toujours plus consciente du Don qui lui est accordé.

    Notons enfin que le croyant peut passer librement à l’acte de foi, même s’il demeure en lui des questions relatives à celle-ci. Et qui n’en a pas ? Le Bienheureux John Henry Newman l’exprimait bien en instruisant sur le fait que « dix mille difficultés ne font pas un seul doute[22]». Le doute mine toute chose, les difficultés apportent un défi ce qui nous permet de nous dépasser. Et de fait, avec saint Augustin il convient de proclamer haut et fort à nos jeunes qu’« il y a d’innombrables questions qu’il ne faut pas finir avant la foi, si l’on ne veut pas finir la vie sans la foi[23]». Achever sa course au risque de tout perdre, ce serait trop triste. Réveillons donc notre foi ! Les grâces nous seront largement accordées en ce sens.

    Bien plus, Paul VI pensait que par cette année de la foi 1967 « l’Église tout entière pourrait reprendre, note similairement Benoît XVI pour 2013, “ une conscience plus nette de sa foi, pour la raviver, la purifier, la confirmer et la proclamer ”[24]». Quels beaux souhaits pour notre année !

    Alors, pour conclure, recherchons la foi selon de mot d’ordre donné dans le corpus paulinien : recherchez la foi (cf. 2Tm 2, 22)[25]. Elle est le trésor inestimable pour vivre vraiment heureux, et répétons-le avec Benoît XVI qui lui-même en a fait une complice de sa destinée de Pontife, elle « est une compagne de vie qui permet de percevoir avec un regard toujours nouveau les merveilles que Dieu réalise pour nous » (PF, n°15).

     

    Fr Édouard Divry o. p.



    [1] Cf. Dz-Sch. nos1642, 1651-1654; Paul VI, Litt. Enc. Mysterium fidei.

    [2] Cf. Thomas d’Aquin, ST, IIIa, q. 73, a. 3.

    [3] Sollemnis Professio Fidei, Litterae Apostolicae in Motu Proprio, 30 juin 1968, A.A.S., vol. LX, (1968), n. 8, p. 432-445. Traduction prise du diocèse de Soissons (http://www.soissons.catholique.fr/).

    [4] Rm 10, 14-15 : « Mais comment invoquer [le Christ] sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre? Et comment entendre sans prédicateur ? Et comment prêcher sans être d’abord envoyé ? Selon le mot de l’Ecriture : Qu’ils sont beaux les pieds des messagers de bonnes nouvelles !»

    [5] 1 P 3, 21 : « Ce qui y correspond, c’est le baptême qui vous sauve à présent et qui n’est pas l’enlèvement d’une souillure charnelle, mais l’engagement à Dieu d’une bonne conscience par la résurrection de Jésus Christ.»

    [6] Jean-Paul II, Encyclique Ecclesia de Eucharistia, (17 avril 2003), nos35-36.

    [7] Augustin, Sermo 243, n°2 : « Tangit Christum, qui credit in Christum.»

    [8] Cf. Thomas d’Aquin, ST, IIaIIæ, q. 1, a. 2, ad 2 cité par CEC, n°170.

    [9] He 11, 6 : « Sans la foi il est impossible de lui [Dieu] plaire. Car celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe et qu’il se fait le rémunérateur de ceux qui le cherchent.»

    [10] Léon Ier, Sermon 24, 6 (PL 54, 207).

    [11] Cf. Thomas d’Aquin, Opuscules, cap. 29 (n°69131) : « fides est non praedicabilis (la foi est non-prédicable) (D’après saint Jean Chrysostome dans le sermon sur la foi) : il faut comprendre que la foi ne peut être parfaitement expliquée par l’enseignement.»

    [12] Cf. CTI, La théologie aujourd’hui : perspectives, principes et critères, n°34, DC, n°2494, p. 681-711, [p. 691] : «Le sensus fidelium est le sensus fidei du Peuple de Dieu pris dans son entier, qui obéit à la Parole de Dieu et est conduit sur les sentiers de la foi par ses pasteurs.»

    [13] CEC, n°93 : « Grâce en effet à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du Magistère sacré, (...) le Peuple de Dieu s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes, il y pénètre plus profondément en l’interprétant comme il faut et dans sa vie la met plus parfaitement en œuvre (LG, n°12).»

    [14] Dei Verbum, n°5.

    [15] Vatican I, Dei Filius, DsZ, n°3008.

    [16] « Fides quærens intellectum » (Anselme, Proslogium, prœmium cité par le CEC, n°158 ; PL 153, 225A). Cf. Jean-Paul II, Fides et Ratio, cap. 2 ; cap. 3 : « Credo ut intellegam ; […] intellego ut credam » (cf. Augustin, De prædestinatione sanctorum, 2, 5: PL 44, 963) ; Augustin, Lettre 120, BA n°46B.

    [17] Le chancelier d’un diocèse écrit, souvent au jour de la fête onomastique du demandeur, sur le registre des baptêmes qu’untel, a apostasié, tel jour, avec le sceau de l’évêché.

    [18] Cf. Thomas d’Aquin, ST, IIaIIæ, q. 1, a. 4, ad 3.

    [19] Cf. CTI, La théologie aujourd’hui, n°7, p. 684 : «La Traditon est la transmission fidèle de la Parole de Dieu, attestée dans le canon des Écritures par les prophètes et les apôtres et dans la leitourgia (la liturgie), la martyria (le témoignage) et la diakonia (le service) de l’Église.»

    [20] À l’instar de Ph 3, 13 : « tendu de tout mon être ». Cf. J. Fontaine, Ch. Kannengiesser, Epectasis, Mélanges patristiques offerts au cardinal Jean Daniélou, Paris, Beauchesne, 1972.

    [21] Cf. de manière un peu différente à ce que nous disons : CTI, La théologie aujourd’hui, n°98, p. 707 : « Le mystère de Dieu révélé en Jésus-Christ par la puissance du Saint-Esprit est une mystère d’ektasis, d’amour, de communion et d’inhabitation mutuelle entre les trois Personnes ; un mystère de kenosis, l’abandon par Jésus dans son Incarnation de sa forme de Dieu pour revêtir celle de l’esclave (cf. Ph 2, 5-11) ; et un mystère de theosis, où les êtres humains sont appelés à prendre part à la vie de Dieu et à devenir « participants de la nature divine » (2P 1, 4) par le Christ dans l’Esprit.»

    [22] « Ten thousand difficulties do not make one doubt » (J.-H. Newman, Apologia pro vita sua, VII, citée CEC, n°157).

    [23] Augustin, Lettre 102, 38.

    [24] Paul VI, Exhort. Apost. Petrum et Paulum Apostolos, à l’occasion du XIXe centenaire du martyre des saints Apôtres Pierre et Paul (22 février 1967) : AAS 59 (1967), 196; DC 64 (1967) col. 198.

    [25] 2 Tm 2, 22 : « Fuis les passions de la jeunesse. Recherche la justice, la foi, la charité, la paix, en union avec ceux qui d’un coeur pur invoquent le Seigneur.»

     


  • Chers amis, Le Doyenné du Buëch Dévoluy et le Monastère de Rosans

     

    Dans chacune de vos paroisses sont faites des propositions pour épanouir votre vie spirituelle et nourrir votre foi.

    Cette année, à l’occasion de l’Année de la Foi, nous avons souhaité faire une proposition commune pour nous permettre d’accueillir des intervenants de qualité.

     Quatre rencontres sont ainsi proposées durant cette année à Rosans.

    Nos sœurs bénédictines nous ouvrent grandes leurs portes et assureront la logistique de ces journées.

    Je leur adresse déjà un grand merci car c’est grâce à elles que ce projet a vu le jour.

    Plus qu’un cycle de conférences, il s’agit de véritables pauses spirituelles, soutenues par la prière de la communauté dans un climat fraternel.

    Ces journées sont ouvertes au-delà des limites du Doyenné.

    Avec les prêtres, religieuses et les laïcs en mission dans notre doyenné, nous faisons le vœu que ces journées permettent au plus grand nombre de grandir dans la Foi, à l’invitation de Benoit XVI

     Amicalement,

    Père Sébastien DUBOIS

     

    Samedi 27 Octobre 2012

     Célébration de l’ouverture

    de l’Année de la Foi

    présidée par le Père Edouard Divry O.P

    Thème de la Journée :

    « Je crois en Dieu »

     « Recherchez la foi » (2Tm 2,2), elle est un trésor inestimable pour vivre heureux, elle « est une compagne de vie qui permet de percevoir avec un regard toujours nouveau les merveilles que Dieu réalise pour nous » (PF n° 15) 

    Samedi 1er Décembre 2012

     « Je crois en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai Homme »,

    par le Père Manzano, prêtre du diocèse de Marseille

     Pour positives soient les appréciations de nos con-temporains sur Jésus : un maître au message touchant, un prophète, voire un révolution-naire bouleversant traditions et codes, elles ne constituent pas encore un acte de foi dans le Christ Jésus tel que le Credo nous le propose. Celui-ci nous invite à dépasser totalement un abord superficiel de la personne de Jésus et à nous reposer avec acuité la propre question de celui qui nous intéresse : « Pour vous, qui suis-je ? »

     

    Samedi 9 Mars 2013

     « Je crois en l’Eglise » 

     par le Père Lucchesi prêtre du diocèse de Marseille

     

    Samedi 4 Mai 2013

     « Dieu, la création et l’homme » 

    par Mgr Emmanuel Marie, Père Abbé de l’abbaye Sainte Marie de Lagrasse.

      « La paix est en effet une caractéristique de l’agir divin, qui se manifeste à la fois dans la création d’un univers ordonné et harmonieux. Un lien indissoluble apparaît entre la paix avec la création et la paix entre les hommes. L’une et l’autre présupposent la paix avec Dieu » (Benoît XVI message du 01-01-2007) 

     Pour clôturer ces rencontres :

     Vêpres solennelles

    en présence de Mgr di Falco Léandri

    et bénédiction d’une grande croix

     qui sera confiée aux jeunes du Doyenné, pour être plantée sur un sommet avant le 24 novembre 2013.

     

     

    Le programme de chaque journée

     10h Messe

    11h Conférence

    Déjeuner – Temps d’adoration

    14h30 Conférence/débat

    16h Célébration des vêpres

     Pour faciliter l’organisation de la journée et du repas, merci de

    prévenir l’Abbaye de Rosans

    15 jours avant la journée choisie.

    Tél. : 04.92.66.70.00

     

    Secrétariat du Doyenné.

    Presbytère, place de l’Eglise

    05400 Veynes – Tél 04.92.58.00.92

     

    Pourquoi une Année de la foi ?

    Lorsqu’il a publié, le 11 octobre 2011, sa lettre apostolique  « Porta Fidei »   (« La porte de la foi »), Benoît XVI a clairement manifesté sa volonté de concrétiser l’un des objectifs de son pontificat : permettre à tous les baptisés d’approfondir leur foi. Et ce, à travers une Année de la foi, qui se déroulera du jeudi 11 octobre 2012 au dimanche 24 novembre 2013. 

    Quels sont ses objectifs ?

    L’Année de la foi entend « soutenir la foi de tant de croyants qui, dans les difficultés quotidiennes, ne cessent de consacrer avec courage et conviction leur existence au Christ.  Trois axes ont été retenus : redécouvrir les contenus de la foi telle qu’elle est professée, célébrée et priée, sans oublier la mise en évidence des nombreux témoins qui la manifestent concrètement. 

    Qu’est ce qu’un Doyenné ? 

    Un doyenné est dans le Christianisme une circonscription administrative qui regroupe plusieurs paroisses, subdivisions d’un diocèse.

    Dans le Buëch-Dévoluy, chaque mois les prêtres se retrouvent au Presbytère de Serres, pour faire le point sur la vie de chaque paroisse et envisager des propositions communes. C’est l’occasion de partager nos expériences et d’éviter le chacun pour soi…. Tous les deux mois cette réunion s’élargit à toutes les religieuses en mission pastorale ainsi qu’aux laïcs nommés par l’Evêque.