•                      RECOLLECTION PAROISSIALE POUR NOËL

                               SECTEUR PAROISSIAL DU VEYNOIS, SERROIS ET BUËCH-DEVOLUY

                                VENDREDI 18 DÉCEMBRE 2020

     

     

    THÈME : REPENSER LA FRATERNITÉ A LA LUMIÈRE DE « FRATELLI TUTTI » DU PAPE FRANCOIS, PAR PÈRE DENIS MARIE MUKENDI 

     

    1 – LA FRATERNITÉ : UN CONCEPT POLYSEMIQUE

     

    Le concept « fraternité » n’est pas perçu ou compris de la même façon par tout le monde. Il change de sens selon qui il est appréhendé par une société ou un groupe de gens, par un peuple ou dans une culture donnée. Nous allons dans un premier point relever quelques différents sens du mot « fraternité ».

     

    • Définition de Larousse et du petit ROBERT

     

                 La « fraternité » vient du latin « fraternitas,-atis » qui veut dire un lien de solidarité qui devrait

    unir les membres de la famille humaine ; c’est une parenté entre frères et sœurs. C’est un lien existant entre les hommes considérés comme les membres de la même famille humaine ; sentiment profond de ce lien.

                N.B Cette conception de la fraternité fait appel à deux autres concepts qui lui donnent sens, notamment « la charité » et « la solidarité ».

     

    • La conception de « la fraternité » en philosophie

     

    D’après Michel DELATTRE, la fraternité en philosophie est une notion

    Ambiguë et qui est en partie indéfinissable. Sans évoquer aujourd’hui l’idée d’un lien familial, la fraternité désigne un lien qui relie ceux qui ne sont pas de la même famille ; c’est idéalement, ce qui nous lie ensemble, qui lie l’ensemble de la famille humaine. Disons que, dans cette logique, la fraternité engage à être le frère de n’importe qui, même si cela rencontre quelques limites.  

    Sur ce, la fraternité (être frères et sœurs) désigne une relation plus large.

    C’est le cas de ceux qui appartiennent à la même religion ou ceux qui font partie d’une association quelconque. Pourtant, ce concept prend son sens le plus large lorsqu’il évoque un sentiment que l’on est censé éprouver pour les membres de l’humanité tout entière.  Ce qui n’est pas le cas malheureusement.

                Parlant de la fraternité, dans le cadre où elle est coulée   dans la devise de la France Républicaine, Olivier LOUBES, professeur en classe préparatoire au lycée Saint Sermin, l’historien de la nation et de l’enseignement en France CNRS, écrit un article dans le réseau canopé dont le titre est une question très importante par rapport à la fraternité : Racisme, Pauvreté … Elle est où la fraternité ? Ceci pour dire que nous parlons, certes de la fraternité mais nous sommes très loin de la vivre en réalité.

     

    2 – LE CONSTAT SOMBRE DU PAPE FRANCOIS

     

    Comme le professeur Olivier LOUBES, le Pape François fait un constat sombre de la réalité mondiale actuelle par rapport à la fraternité tant prônée, tant chantée, pour laquelle travaillent de nombreuses associations ou ONG. Le tableau qu’il peint est vraiment sombre. Dans le 1er chapitre de son Encyclique « Fratelli Tutti » intitulé : les ombres du monde fermé, le Pape évoque les faits déplorables qui prouvent à suffisance que la fraternité n’est aujourd’hui, à l’échelle mondiale qu’un slogan :

     

    • Des rêves qui se brisent en morceaux

     

    • Les nouvelles formes d’égoïsme et de perte du sens social suite à l’idée de l’unité du peuple et de la nation (dans plus d’un pays) sous prétexte d’une prétendue défense des intérêts nationaux.
    • Les conflits locaux et le désintérêt pour le bien commun sont

     Instrumentalisés par l’économie mondiale pour imposer un modèle de culture unique. Cette culture fédère le monde mais divise les personnes  et les nations, car la société plus mondialisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères. Le déconstructionnisme et la colonisation culturelle sont deux idéologies à combattre si on veut bâtir un monde plus fraternel(n°13).

    • Le droit d’exister et de penser est nié aux autres, leur point de vérité,

    leurs valeurs ne sont pas prises en compte (n°15). Tout cela, par manque d’un projet pour tous. 

    • La marginalisation mondiale.
    • Le non-respect de la dignité humaine (surtout aux frontières, le respect de l’autre a volé en éclats).
    • L’agressivité sans pudeur.
    • Destruction de l’estime de soi chez quelqu’un comme moyen facile de le dominer.
    • Repli de soi et la xénophobie.
    • Le Pape François se pose la question de savoir ce que signifient aujourd’hui les termes comme démocratie, liberté, justice, unité ?

    Car d’après le constat, ces termes ont été dénaturés et déformés pour être utilisés comme des instruments de domination.

    Dans ces conditions, peut-on rêver la fraternité, et la vraie aujourd’hui ?

     

     3 – DU SCANDALE DE LA FRATRICIDE A LA FRATERNITÉ HEROIQUE

     

    Le deuxième chapitre de l’Encyclique Fratelli Tutti a comme titre : « un étranger sur la route ».

    Le Saint Père s’est inspiré de la parabole du « Bon Samaritain ». Mais avant même de nous présenter le Bon Samaritain comme paradigme (d’un prochain – frère) du prochain dont la fraternité dépasse les frontières et clivages politiques et culturels, il relève quelques faits désolants dans les relations fraternelles, qu’on trouve dans les saints Écritures. Caïn jaloux de son frère Abel, le tue (Gn 4, 8-10). Ce meurtre, comme tant d’autres que nous connaissons, suscite une question fondamentale : Qui est  réellement mon frère ? Ma Sœur ? Est –ce celui ou celle avec qui nous sommes sortis d’un même sein, d’un même ventre ?

    Est-ce celui ou celle qui prie avec moi dans la même église ? Est-ce un chrétien comme moi ? Est-ce quelqu’un avec qui je travaille dans une même entreprise ?  Celui ou celle qui est du même continent que moi ? Du même pays ou de la même contrée que moi ? Qui est donc mon frère, ma sœur ?

     

     La compréhension de la parabole du Bon Samaritain.

     

    • Le contexte politique et religieux.

     

                La Samarie et le Royaume de Juda sont divisés. Ils vivent en ennemis.

    Les Judéens sont attachés au Temple de Jérusalem, au mont Sion. Pour eux, le Temple est le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu. Tandis que les Samaritains quant à eux, c’est au mont GARIZIME où ils se rendent pour la prière et s’enfoutent du Temple de Jérusalem. Du coup, aux yeux des Judéens, les Samaritains sont considérés comme des Schismatiques.

     

    • La théologie de la parabole

     

               Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ».

    En quittant Jérusalem, cet homme laisse derrière lui la ville Sainte et le mont Sion. Or de Sion vient l’instruction « La Loi », et de Jérusalem « la parole du Seigneur » (Is 2, 3). Donc il faut comprendre que l’homme s’égarait, et s’éloignait de Dieu, de sa Loi, de sa parole.

    En route, vers Jéricho cet homme tombe victime des bandits qui l’ont dépouillé et roué de coup.

    Quand on quitte Dieu, on s’expose aux forces du mal qui peuvent nous entraîner à la perte de la grâce de la vie. L’homme git dans le bain de sang ! Un prêtre et un lévite, tous les deux sont au service du Temple régulièrement, mais au nom du respect de la loi interdisant de toucher le sang, pour ne pas se souiller (Nb 19, 11-16) évitent de s’approcher et passent de loin.

    Les deux serviteurs du Temple font le détour et laissent cet homme dans cet état de gravité. Voilà qu’un Samaritain, considéré comme Schismatique et méprisé dans sa foi par les Judéens, c’est bien lui qui va compatir avec la victime et prend soin d’elle. Or, nous sommes dans un contexte où, le prochain est identifié à partir de son appartenance religieuse, c’est celui de mon cercle religieux qui est mon prochain. Contrairement au prêtre et au Lévite deux représentants attirés de la bonne morale, le Samaritain- Schismatique détesté est saisi de compassion et a eu les gestes d’humanité qui étaient nécessaires.

                Jésus, à travers cette parabole nous fait réfléchir. Sa contre-question reprend l’interrogation du légiste : « Qui est mon prochain ?  On peut dire : Qui est mon frère, qui m’a témoigné de la vraie fraternité ?

                Mon prochain, mon frère, ma sœur est celui dont je me décide de me faire proche, et  non l’autre à aimer, parce que sa proximité requiert que je l’aime. Jésus a reconduit la définition du prochain, donc du frère et de la Sœur au cœur du besoin humain de compassion. 

     

    1. QUELQUES CLÉS POUR UNE VRAIE FRATERNITÉ

     

              Le Pape François énumère quelques attitudes à adopter sur le plan religieux, social ainsi que politique qui puissent favoriser la vraie FRATERNITÉ en commençant par la petite communauté à laquelle j'appartiens jusqu'à l'échelle mondiale.

     

    -L'amour qui s'étend au- delà des frontières, et qui trouve son fondement dans l'amitié sociale . En effet, l’« amitié sociale » a permis au bon Samaritain d'interrompre son voyage et d'être disponible pour s'ouvrir avec compassion et charité à l'homme blessé, prendre soin se lui et sauver sa vie ;

    -Développer la culture de la rencontre dans le respect de la dignité humaine et de la liberté de chacun ;

    N.B. Dans les publications Chemins des Dialogues, Claude RAULT de publier un livre dont le titre est JÉSUS, L'HOMME DE RENCONTRE

              Le Pape  François  est d' avis  que « la vie c'est  l' art de la rencontre , même s'il y a tant de désaccords dans la  vie.  Pour rendre beaucoup plus riche sa pensée, il évoque le polyèdre qui représente une société ou les différences coexistent en se complétant ,en s'enrichissant ,en s'éclairant réciproquement, même si cela implique des discussions et de la méfiance.

              Pour le Pape François, parler de la «  culture de la rencontre », signifie que ,en tant que peuple, chercher à nous rencontrer, rechercher des points de contact, construire des ponts ,envisager quelque chose qui inclut tout le monde, nous passionnent. Et même temps ,il reconnaît qu’intégrer les différences    est beaucoup plus difficile et plus lent comme processus, mais c'est la garantie  d'une paix réelle et solide. Car,dit-il,le bonheur de reconnaître l'autre implique l'effort de reconnaître à l'autre le droit d' être lui- même et d' être  différent .  A partir de cette reconnaissance  faite culture, l’élaboration d'un pacte social devient possible.

     

              Trois rencontres au cœur de la fraternité et de l'amitié sociale

     

    1. a) En 1219, François d'Assise séjournant en Égypte , avait fait une belle rencontre avec le Sultan Malik-el-Kamil .

     

    1. b) Le Pape François affirme avoir trouvé l 'inspiration de l 'Encyclique «  Laudato Si » chez celui qu'il appelle son frère Bartholomée, Patriarche Orthodoxe qui a promu avec beaucoup de vigueur la sauvegarde de la nature ( Œcuménisme )

     

    c)Le Pape évoque la rédaction avec le Grand Imam Ahmad Al-Tayyeb d'un document sur la fraternité pour la paix mondiale et la coexistence commune (Dialogue interreligieux)

     

    -La vraie fraternité est aussi le fruit de la meilleure politique qui se caractérise par la charité sociale et  la solidarité des peuples. Sur ce, le Pape interpelle les dirigeants du monde et appelle l'ONU de pouvoir promouvoir la force du droit sur le droit de la force.

     

    -Le Pape François termine sa lettre Encyclique par un appel à toutes les religions d’être au service de la fraternité dans le monde. Il invite les croyants à se concentrer sur l'essentiel :  l’Adoration de DIEU et l'AMOUR du prochain  à la manière du bon Samaritain.

     

    Voilà pourquoi, nous allons terminer cette récollection par l’Adoration et  la célébration de l'eucharistie.